La fête de l’armistice étant passée, la vie reprenait doucement son cours, je savais très bien que c’était juste un prétexte pour montrer que le pays était uni, que tout allait bien. Mais pour moi elle avait une autre saveur. Amère. Cela faisait presque dix ans que j’avais vengé mon frère mais j’avais encore un sentiment de ne pas avoir accompli grand-chose. En vérité, je suis plus seul que jamais. Soupir. Cet état d’esprit morose au possible ne pourrait pas m’aider, je décidais donc de quitter mon commerce vers le bas de la ville, de toute façon il n’y avait pas grand monde aujourd’hui et il fallait que je me change les idées. À défaut de ne pas avoir de contrat à me mettre sous la dent…
Je me dirigeais dans les ruelles que je connaissais comme ma poche, il y avait les mêmes visages et les mêmes couleurs. Seule la présence des touristes venant d’autres villes changeait un peu, la saison se prêtait à la découverte d’une ville comme Zandor. Ville de la guilde des restaurateurs et des artistes ! Ca vend du rêve pour tout le monde même si beaucoup ne voit pas la face cachée de cette ville.
Continuant ma route d'un pas déterminé, je pouvais voir peu à peu la différence entre le quartier des commerces et le bas de la ville. Les pauvres, orphelins et voleur de bas étage vivaient ici dans les recoins les plus retirés. Un peu plus loin je passais devant mon ancienne demeure que je partageais avec mon frère, une bicoque vieille et instable qui ne tiens qu'avec les piloris. Aujourd'hui c'était une autre famille qui y vivaient et ce ne sera probablement pas la dernière. Quelques mètres plus tard, j'étais décidé de m'installer sur l'un des rebord qui surplombaient la plage, en balayant celle-ci du regard je remarquais que certain artiste de cirque était présent ainsi que des danseurs de la guilde des artiste. Plus jeune j'adorais rester ici, ni trop près ni trop loin de cette plage pour regarder mon frère danser sur le sable.
« Oh, c’est Amina ! »
Une voix me sortait de mes pensées, c'était une fille appartenant à la guilde que j'avais courtisé il y a quelque temps. J'étais assez populaire ! Je souriais en coin, frottant le bord de ma moustache entre deux de mes doigts. « Isabela ! Quelle bonne surprise ! Tu voudrais qu'on se trouve un endroit plus tranquille où tu pourrais me montrer tes nouvelles chansons ? »
Ponctuant ma phrase d'un léger rire qui voulais tout dire, la journée allait enfin prendre un tournant que j'appréciais !
La prestation n'a pas été la meilleure, mais sûrement pas la pire connue pour la troupe. Il n'y a plus de retour en arrière possible, car la fête de l'Armistice est maintenant close. Peut-être est-ce là que le côté pointilleux d'Ambre qui la pousse à dénigrer ce qu'ils ont fait là-bas. Pourtant, le spectacle a été bien accueilli par le public d'Aziel. Alors, pourquoi se prendre la tête. Respire et passe à autre chose. Ce sont les mots que son cousin - aujourd'hui décédé depuis quinze ans -, lui aurait soufflée au creux de son oreille.
Elle a proposé à la troupe de retourner à Zandor. Un point qui ne fut pas discuter. Ils devaient se rendre là-bas de toute manière. Ils allaient juste s'y rendre sans passer par un autre endroit. Un semblant de vacances semble flotter dans les airs. Que nenni, Ambre espère bien que la troupe va s'entraîner encore plus. Du surmenage est en vue, mais pour la danseuse, il s'agit d'un moyen pour s'évader. Quoiqu'elle puisse penser, jamais elle ne va les forcer par des mots. Ils sont libres de faire ce qu'ils souhaitent. Tout comme si elle tombe exténuer, elle ne peut pas leur en vouloir. C'est son choix, décision prise seule, sans l'aide de personne.
Il n'est donc pas étonnant que de la voir sur la plage, dans le bas de la ville de Zandor. Elle est avec d'autres gens. Quelques personnes du cirque l'ayant suivi dans sa quête, mais aussi des anciens comme des nouveaux camarades de la guilde des artistes. Cinq ans plus tôt, elle faisait partie de cette fameuse guilde qui l'avait passionné depuis ses onze ans. Un chemin emprunté qui en avait étonné plus d'un. Tant que son rêve peut-être atteint, il n'est pas obligatoire que d'être là-dedans. Elle le savait à l'époque et c'est pour cela, qu'Ambre est toujours dans cette troupe à l'heure actuelle.
Pieds nus sur le sable, elle fait quelques séances d'étirements. Le soleil fait en sorte à ce que la journée se veut chaude. Heureusement que l'eau rafraîchit l'air ambiante. Au moins, chacun des artistes peut s’entraîner sans trop souffrir des fortes températures. Pourtant, cela ne les empêche pas de transpirer - chacun en fonction de leurs seuils de tolérance -. Au rythme de ses exercices, la robe d'Ambre se soulève. Un habit ample qu'elle met à l'occasion afin de ne pas gêner. Elle s'avère ample comparer à sa tenue habituelle, mais au moins, elle ne colle pas contrairement à l'autre. Cheveux attachés en une longue tresse par un ruban blanc crème, elle passe une main sur son visage afin d'y enlever toutes traces de sueur. Un geste inutile vu que quelques minutes plus tard, elle va être exactement dans la même situation.
Des voix se font entendre non loin de tout ce petit groupe. Ambre veut tout savoir, capter la moindre discussion pouvant être intéressante. Mais une des voix, elle ne la connaît que trop bien. Cette même personne qu'elle avait vu lors de la fête. Son regard bifurque sur le duo, ses prunelles bleus/grises scrutant sans retenue, cet homme. Aminashkan Dessiny, petit frère d'un ancien danseur de la guilde avant que la mort vienne l'emporter un peu trop brusquement. Mais il s'agit aussi et surtout, d'un vieil ami. Depuis plusieurs années, il s'éloigne d'Ambre sans qu'elle ne sache trop pourquoi. À t'elle fait quelque chose de mal, autre que d'être obsédée par son but. Un voile de secret qui se forme dans son cerveau et qui pour l'heure, l'irrite. Cette fois-ci, même si une dame lui parle, la danseuse ne va pas le laisser s'en tirer comme cela. Elle le croise un peu trop à son goût pour penser à un pur hasard - même si c'est bel et bien le cas -.
Avec un petit mot d'excuse prononcé à ses camarades, la voilà qu'elle se dirige d'un pas décidé vers le duo. Ambre adopte un sourire se voulant radieux, ainsi qu'un regard chaleureux.
- Amina, quelle agréable surprise que de te retrouver ici.
Rien que la vérité. Pas un mensonge ne sortant de sa bouche. Outre ses intentions divergeant de son envie de faire la discussion.
- Excuse moi si je vous dérange. Cela fait tellement longtemps que l'on ne sait pas vu. Je pensais que tu avais fini par m'oublier. Pourtant, nous étions proches autrefois.
Elle défait le nœud de son ruban, démêlant ses cheveux à l'aide de ses doigts. Au fond de son cœur, elle espère que cette Isabella va délaisser l'homme à la moustache fort... Intrigante. Si la danseuse souhaite parler à Amina, ce n'est certainement pas avec cette chanteuse dans les pattes. Pas qu'elle la déteste. En fait, elle ne l'a jamais vraiment rencontré. Tout ce que sait Ambre, est que ses chants sont justes et mélodieux.
- Je n'ai pas vraiment osé venir à ta rencontre durant la fête. Tu semblais beaucoup t'amuser en compagnie de cette dame à la chevelure particulière. Mais aujourd'hui, je ne veux pas t'ignorer. Du moins, je ne peux pas.
De belles paroles que voilà. Cependant, tout ne s'est pas passé comme Ambre le raconte. Mais si la chanteuse n'était pas présente, peut-elle vraiment distinguer le vrai du faux.
Isabela me répondait d'un ton enjoué, elle n'avait pas démordu depuis le temps, cela m'arrangeait. J'approchais mon visage près de son oreille avant de murmurer avec la voix la plus suave que je pouvais faire. « Je connais un endroit un peu plus loin.. »
À mes mots, la belle chanteuse gloussait, elle avait un sourire aussi brillant qu'un soleil, j'avais vraiment de la chance aujourd'hui. La prenant par la taille, je commençais à faire un pas avant d'entendre une voix familière, bien trop familière.
« Amina, quelle agréable surprise que de te retrouver ici. »
Je me retournai avant de voir celle qui me dérangeait, Ambre. C'était avant tout mon frère qui connaissait cette fille, faisant partie de la guilde des artistes, elle décida de quitter la danse pour s'accoquiner des gens du cirque. Je jouais parfois avec elle et m'amusait à m'entraîner sur sa chevelure. Je lui avais parler de mon enquête pour retrouver l'assassin de mon frère mais elle ne savait pas que c'était moi qui lui avais tranché la gorge il y a bientôt 10 ans. Les autorités n'étant pas remontées jusqu'à moi.
Je l'écoutais sans rien dire, ne préférant pas montrer un visage différent à Isabela car oui, malgré nos différends je suis un peu plus moi-même avec Ambre. Je n'ai pas à jouer cette comédie pittoresque que parfois me tue à petit feu. Comme elle dit, nous étions proches, mais les événements qui ont eu lieu m'ont fait prendre de la distance, ce n'était pas intentionnel, je ne voulais juste pas qu'elle puisse être en danger. On ne sait jamais.
« Je n'ai pas vraiment osé venir à ta rencontre durant la fête. Tu semblais beaucoup t'amuser en compagnie de cette dame à la chevelure particulière. Mais aujourd'hui, je ne veux pas t'ignorer. Du moins, je ne peux pas. »
Je soupirai, je savais ce qu'elle voulait faire, je regardais du coin de l'œil Isabela qui détournait le regard immédiatement. Il est vrai que pendant la fête je n'ai pas osé venir la voir, j'avais changé, trop changé pour qu'elle puisse comprendre un jour. Venant frotter ma moustache entre deux de mes doigts, je répondais à son affront.
« Oh tu sais, quand on a un physique comme le miens, on ne passe pas inaperçu. Je captive la foule ! Isabela ma chère, tu pourrais nous laisser seul ? »
Je souriais comme à mon habitude, la belle acquiesça de la tête, tournant les talons. Je me retrouvais en face à face avec la danseuse, peu à peu, mon visage devenait sérieux. Je la regardais dans les yeux, avec elle, je n'arrivais pas à être faux, autant être direct.
« Que me veux-tu Ambre ? Tu ne répètes pas avec ta troupe ? »
Avec un peu de chance, elle s'en ira rapidement pour me laisser tranquille. La connaissant, je pense que je rêve mais après tout, on ne sait jamais.
Quel beau parleur en présence de la gente féminine, outre que celle de la danseuse. Un masque facile à mettre en place, mais pouvant être pesant à la longue. Devant Ambre, pas besoin d'artifice. Amina est d'autant plus intéressant au naturel, pour elle. Toutefois, peut-elle vraiment juger sa manière de faire. Car la danseuse joue elle aussi un rôle aux yeux des autres. Un masque plus subtil, mais tout de même présent. Cette voix demandant ce qu'elle veut, ce regard...
Un frisson traverserait presque son échine. C'est qu'il ferait son effet le bougre. À part sa moustache prenant une place importante chez le personnage d'Amina - et qu'elle n'aime pas spécialement -, il est plutôt bel homme. Elle doit bien le reconnaître. Elle n'est pas insensible à son charme, mais il ne sera pour la danseuse, qu'un simple ami et rien de plus. Penser à une évolution n'est pas vraiment ce qu'elle peut s'imaginer. De plus, un amour casserait d'autant plus le lien instauré entre eux.
Ce qu'elle lui veut ? En savoir plus, tout simplement. Retrouver un ami des temps anciens. Celui qui joue avec elle, qui lui parle. Dont le sourire ne cache pas la souffrance de la perte d'un proche. Mais l'histoire n'a cesse que d'évoluer. Les aiguilles du temps ne peuvent s'arrêter, laissant le passée derrière. Seuls les souvenirs demeurent jusqu'à la mort. Alors Ambre le laissera encore moins tranquille. Aussi têtue qu'une mule cette demoiselle. Elle ne lâche pas prise, comme un prédateur plantant ses crocs dans le corps de sa proie. Ne lui demandant pas son accord, Ambre prend place à ses côtés, assise aussi confortablement qu'elle le peu, sur le rebord. De temps à autre, elle jette des coup d'œil au coiffeur, se trouvant à sa gauche.
- Je pense que tu sais très bien ce que je te veux Amina.
Sa voix se veut calme, mais moins chaleureuse que plus tôt. Ne pas être soi-même entre eux ne sert à rien. Tout deux se connaissent assez pour déceler le vrai du faux. Du moins, si ces années à ne plus se parler, ne compte pas.
- En effet, je répétais avec la troupe. Non, avec quelques-uns seulement. Les autres ont préféré se reposer.
Peut-être aurait-elle dû en faire de même. Car malgré le masque, Ambre ne peut cacher les cernes sous ses yeux. Elle souhaite que tout soit parfait, délaissant sans aucune forme de procédé, le sommeil la tiraillant par moment. Quelques heures semblent lui suffire dans l'immédiat. Elle a l'habitude. Mais bientôt, la réalité reviendra sur le devant de la scène. Ambre n'est pas un objet, elle est une humaine. Un être ayant des qualités comme des défauts. Un jour, la fatigue sera beaucoup trop intense. Elle jouera sur sa santé mentale et physique. Cela a même déjà commencé. Ceux-là, connaissant réellement, peuvent le voir, mais sera t'elle capable de les écouter.
Entortillant une mèche de cheveux autour de son index, le regard rivé sur les artistes, un soupir s'échappe de sas lèvres rosée. Elle souhaite tellement se faire reconnaître comme une femme et non, une fille. La nuance est minime, existante tout de même. Alors, elle ouvre de nouveau la bouche, pour des paroles des plus intimes.
- Dois-je venir faire passer mes cheveux sous tes ciseaux, dans ton salon, pour avoir de nouveau ton attention ?
Elle a l'impression d'en demander un peu trop, mais quand on est du genre à aimer les gens, il est difficile de les laisser en plan. Ceci est une peur pour Ambre que de voir les autres s'éloigner. Une solitude la rongeant petit à petit, noircissant de plus en plus son cœur. Non qu'elle ne réfléchisse pas trop. Cela n'amène rien de bons, surtout en ce moment même.
- Amina, tu sais... Je t'ai connu par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre. Toutefois, je suis heureuse que cela se soit passé ainsi. Nous avons passé beaucoup de bons moments ensemble. Tu t'en souviens ? Je sais, je suis peut-être un peu trop émotive.
Elle se gratte l'arête de son nez, sachant très bien qu'elle montre un visage contrit. Cacher ses vrais sentiments, penser le possible à son but afin de ne pas être rongée par le chagrin. Cela est compliqué que d'être un humain. Tant de choses à gérer en plus de sa propre personne. Une complexité ahurissante, rendant cependant la vie beaucoup plus intéressante.
- Tu l'as déjà retrouvé n'est-ce pas. Si tu me dis que non, je ne te croirais pas.
Des mots soufflés gravement. Elle tourne sa tête vers l'homme à la moustache, cherchant à ancrer son regard dans le sien. Elle sait qu'elle ne devrait pas remettre sur le tapis, ce sujet. Toutefois, elle veut juste la vérité quand bien même qu'au fond, elle a peur de découvrir l'horreur du tableau. Cette triste vérité sur la mort du frère d'Aminashkan Dessiny. Ce coiffeur n'a pas non plus laissé tombé. La colère était bien trop présente à l'époque pour préférer ouvrir un salon, sans partir à la recherche de l'assassin.
Il est vrai que je sais très bien ce qu'elle veut, elle veut que je redevienne comme avant, l'ami souriant, un peu bruyant qui adore aider les autres. Mais je ne suis plus le même, je ne suis plus le jeune homme un peu timide. Serait-t-elle bloquée dans le passé ? Le monde change, les habitants avec, ce n'est qu'une boucle en éternel mouvement.
Je savais très bien qu'en restant silencieux son côté têtu et persévérant prendront le dessus. Voyant que je ne répondais pas, elle continua en parlant de sa troupe, je sentais son regard sur moi qui me faisait de plus en plus insistant. Ambre avait quitté la guilde des artistes pour la troupe, je ne savais pas si c'était le bon choix mais j'avais eu l'écho qu'ils avaient réussi leur spectacle lors de la fête de l'armistice. Je n'avais rien vu car j'étais en train d'agoniser... Mais ça c'est une autre histoire. « Dois-je venir faire passer mes cheveux sous tes ciseaux, dans ton salon, pour avoir de nouveau ton attention ? »
Ah ! Elle essaie de jouer sur la corde sensible. Je ne la regardais pas mais poussais un léger soupir en haussant les épaules. Cela serait ennuyant si elle venait car elle ne me lâcherait pas. Elle avait déjà mon attention mais surtout mon intention d'éviter les personnes que j'avais connues lorsque mon grand frère était en vie. Voir son visage me fera toujours penser à lui.
« Tu l'as déjà retrouvé n'est-ce pas. Si tu me dis que non, je ne te croirais pas. »
Je ne me doutais pas une seule seconde qu'elle puisse partir sur ce terrain-là. Elle savait très bien que le sujet était encore et toujours sensible. Hemis, mon frère... Si tu étais encore présent je serai devenu quelqu'un d'autre, pas cet homme totalement faux se cachant derrière sa moustache
« Si tu ne veux pas me croire, à quoi bon te le dire Ambre ? »
Je lâchais cette phrase d'un ton glacial, le regard à moitié détaché. Je ne savais pas si elle connaissait la vérité mais si elle découvrait que je suis un assassin appartenant à la guilde des voleurs il va falloir que je trouve un moyen de la faire taire. Que ce soit par le sang ou le chantage.
« Hemis n'est plus là, il n'avait pourtant rien demandé. Je ne sais pas pourquoi tu en parles, je ne sais pas pourquoi tu me tortures. Tu sais très bien que cela me met de mauvaise humeur. »
C'était des mots forts, certes. Mais c'était les mots que je pensais sur le moment. Ce jour qui pourtant commençait si bien, était devenu pâle et mélancolique.
Encore ce frisson parcourant son corps lorsque son ami ouvre la bouche. Ce ton froid employé à en faire pâlir plus d'un. Mais ce n'est pas le cas d'Ambre qui prend les paroles et les gestes d'Amina d'une tout autre manière. Elle ne se voit pas bloquer dans le passé, sachant très bien que cela ne reviendra jamais, à présent. Alors, pourquoi tant d'acharnement ? Peut-être que pour la danseuse, le coiffeur a changé un peu trop vite. Qu'il doit souffrir profondément. Que de suppositions la poussant à agir dangereusement. Car, peut-elle parier sur sa vie, que le moustachu ne lui fera rien. Toujours rester sur ses gardes, même avec les amis. Toutefois, cela est difficile à faire pour la dame.
Que peut-il bien lui passer par la tête lorsque Ambre décide de répondre à son ami, par une phrase des plus étonnante.
- Peut-être parce que j'aime te torturer Amina. Te voir ainsi, me fait vibrer.
Une blague de très mauvais goût. Elle le sait très bien, mais ses mots sont sortis tout seul. La fatigue doit jouer dessus. Oui ça ne peut être que cela.
- Je rigole. Plus sérieusement, je m'excuse de venir raviver de douloureux souvenirs. Mais je pensais devoir t'en parler à cœur ouvert. Hémis était certes un homme que j'affectionnais. Un danseur talentueux qui m'a transmit son savoir, en m'entraînant.
Elle s'arrête, se relevant par la même occasion. Elle pourrait partir et laisser le moustachu. Toutefois, elle n'en fait rien, gardant ses crocs dans sa proie. Lui faisant à présent, face à lui, ses mains viennent se poser sur ses épaules. Un geste tout aussi bizarre que sa blague de plus tôt. Elle s'en fiche, elle souhaite juste frapper encore et encore. Son regard se plonge dans le sien, du moins elle essaye. À présent, elle est prête à énoncer quelque chose se voulant percutant. Ca passe ou ça casse, mais ou moins, ses réflexions seront dévoilées au grand jour.
- Si je suis ici, ce n'est pas pour ton frère, bien que j'en évoque le sujet. Je suis venu voir Aminashkan Dessiny, une personne que je juge comme un véritable ami. Et c'est parce que je t'apprécie, que je m'interdis de te laisser.
Un sourire sincère orne ses lèvres. Tout cela n'est que la stricte vérité, aussi ambiguë est-elle. Chacun sera libre d'interpréter ce qu'ils veulent dans les paroles d'Ambre. De l'amitié, de l'amour... Des sentiments relativement proches au final. Il n'y a qu'un pas entre, il suffit juste de franchir cette ligne à l'aide d'un baiser. Une action qu'elle ne fera pas. Ou alors, un sur la joue. Mais cela voudra alors dire, tout autre chose.
- Peut-être que je te fais te rappeler Hemis, et je m'en excuse si c'est le cas.
Jetant un coup d'œil aux alentours, elle aperçoit la fameuse Isabela qui malgré le fait qu'on lui a demandé de partir, ne cesse de regarder en direction du duo. Une envie de jouer se fait ressentir, et c'est donc sans prévenir qu'elle s'approche encore plus de l'homme dans une étreinte chaleureuse. Comment va-t-il réagir à cela.
« Ah je savais bien que tu ne pouvais pas résister à mon charme légendaire »
La blague d’Ambre me faisait rire intérieurement même si je prenais un air théâtral pour appuyer mes paroles avec un sourire ravageur. Ce n'était pas vraiment dans son habitude, je savais qu'elle avait quelque chose derrière sa tête.
« C’est vrai Hemis était formidable, je ne méritais pas un tel frère. »
Je prononçais cette phrase à demi-mot, je n’avais plus de famille maintenant. Parfois Hemis disait que père reviendrait de la guerre car c'était un lâche et qu'il aurait déserté mais moi je ne le croyais pas. Quelqu'un qui abandonnerait mère ne pouvait pas être mon père. Je secouais la tête pour sortir de ces pensées désagréables. Ce n'était pas le moment.
« Si je suis ici, ce n'est pas pour ton frère, bien que j'en évoque le sujet. Je suis venu voir Aminashkan Dessiny, une personne que je juge comme un véritable ami. Et c'est parce que je t'apprécie, que je m'interdis de te laisser. »
Je ne répondais pas à ses paroles car mon visage valait mieux que des mots, c’était un mélange d’inquiétude, de joie mais aussi de peur. Un ami… Je ne pense plus l’être depuis longtemps, je suis devenu celui que mon frère aurait probablement détesté. Il est vrai que comme elle dit sa danse me faisait rappeler Hemis mais bon sang, ce n’était pas de sa faute alors pourquoi je suis ainsi ? Tant de questions restaient sans réponse et avec Ambre c’était difficile de ne pas faire tomber le masque. Les seules personnes connaissant mon véritable métier étaient mes fournisseurs dans chaque ville et mes victimes lors de leurs derniers instants.
Je soupirai avant de sursauter légèrement, la danseuse m’avait pris dans les bras et dans un premier temps je ne savais pas comment réagir, depuis quand elle est aussi entreprenante ? Et si seulement elle savait qu'elle enlace un tueur dépourvu d'empathie . Ambre ne savait pas que j’avais des talents d’assassin, j’arrivais à percevoir les regards sur moi et c’était probablement Isabela qui n’était pas partie. Tu essayais de faire quoi Ambre . Pour moi Isabela n’est qu’un jouet, un trophée de plus dans ma collection alors peu importe. Elle voulait jouer, j'allais lui donner un spectacle que même sa troupe de cirque ne pouvait lui donner.
Je me reculais légèrement pour avant de poser ma main sur sa joue puis lentement diriger mes doigts pour soulever son menton. Puis, en un geste rapide, je déposais mes lèvres sur les siennes. Un baiser volé auquel elle ne s'y attendait pas. Satisfait de mon acte, je me penchais pour lui murmurer à l’oreille.
« Tu ne peux que t’en prendre à toi-même Ambre »
Reculant pour mettre une distance raisonnable, je la regardais avec un sourire angélique, frottant ma moustache entre mes doigts. Elle était prise à son propre piège.
Elle avait une mine décomposée, un peu figée dans le temps. C’est certain que ça allait jaser, pour elle, pas pour moi. J’imagine déjà les gros titres dans le cercle intime du cirque. Peut-être qu’ils vont croire que nous sommes ensemble ? Ou alors que c’est une fille trop facile, ou encore un geste sans intérêt. Dans tous les cas j’étais fier de mon coup, elle qui voulait me déstabiliser la voilà bien attrapée. Même s’il avait l’habitude, ce n’était pas pareil cette fois-ci, ce n’était pas la même satisfaction que d’embrasser Isabela.
Ambre m’avait sorti de mes pensées en abattant sa main sur le haut de mon crâne, ce n’était pas pour me blesser, elle ne savait peut-être pas comment réagir mais je la comprenais, c’est surtout ce qu’elle faisait par la suite que je ne comprenais pas. Elle riait aux éclats peu après m’avoir avoué que je lui avais volé son première baiser. La bonne affaire ! J’avais eu bien des occasions de le faire pour des dizaines d’autres filles ou garçon mais Ambre ? Je ne la savais pas si pure, dans un sens j’étais heureux, oui heureux d’avoir pris une partie de l’innocence de la jeune femme. Mais dans l’autre j’avais un remord, ce n’était surement pas l’atmosphère dans laquelle elle voulait recevoir ce premier baiser. Ces sentiments mélangés avec le fin chuchotement de la belle parvenu à mes oreilles me faisaient frissonner. Un parfum d’excitation et de gêne comme un mélange de couleur ne s’alliant pas entre elle. Elle avait voulue jouer et maintenant elle s’en mordait les doigts. Oh que oui je jubilais en pensant à comment elle se sentait à l’intérieur. Je lui répondais d’un ton naturel, le sourire en coin en glissant quelques doigts dans ces cheveux, ce geste se voulait tendre mais aguicheur… On va dire ça comme ça.
« Oh tu sais Ambre, je peux te prendre toutes tes premières fois »
C’était simple, concis et direct, quelques passant qui se baladaient dans la ville me regardait de travers tandis que d’autres riaient en observant mon assurance. Je pourrai lui proposer d’en parler dans un endroit plus calme… Non ce serait beaucoup moins drôle et moins excitant. Nous sommes tous les deux mauvais joueurs, celui qui perd sera la risée de l’autre et inversement. Lequel d’entre nous ira plus loin que l’autre ? C’était un jeu dangereux et on le savait. Si j’allais plus loin elle prendrait peut-être peur… Et c’était mon objectif, qu’elle se détache. Je ne veux pas lui dire mais je tiens à elle, déjà par rapport à mon frère et puis… Elle a toujours été là pour moi-même si je ne veux pas l’avouer. Mais je suis trop têtu, trop ancré dans mon personnage pour être sincère même avec elle. Alors oui, la faire fuir était une option tout à fait correcte donc autant en rajouter.
« Et puis tu sais, si tu veux qu’on aille au bout des choses cela ne me dérangerait pas. Bien au contraire »
Je lui montrais mon regard le plus profond que j’avais, celui qui pourrait la faire reculer pour de bon. Si seulement tu savais Ambre… Que je veux juste te protéger. Tu parles d'un assassin de pacotille.
Une situation qui dégénère pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Très belle manière pour détourner une conversation déplaisante. Pourtant, le coiffeur devrait déjà le savoir. Ambre joue, mais n'oublie guère. Patience. Attendre le bon moment pour retourner la situation. Mais n'est-il pas risqué que de s'aventurer encore plus sur ce terrain glissant ? Peut-être, toutefois, la tentation est trop forte.
Une nouvelle guerre voit le jour. Plus enfantine, mais tout aussi dangereuse. Les propositions la gênent encore et encore. Joues reprenant de nouveaux des couleurs flamboyantes. Un corps en feu. Envie que d'aller se terrer dans un trou spécialement conçu pour elle. Toutefois, on ne change pas une équipe qui gagne. Elle le sait qu'elle devrait laisser Aminashkan savourer sa victoire. Tentation trop grande l'empêchant que de s'arrêter en si bon chemin. Sa bouche, sa voix viennent en rajouter une couche. Un cercle vicieux difficile à stopper.
- Et si cela ne me dérange pas, le ferais-tu ?
Ambre se laisse faire, appréciant le contact de la main du coiffeur dans sa longue chevelure. Dommage qu'il ne soit pas armé de sa paire de ciseaux. Ainsi, elle lui aurait demandé une jolie petite coupe. Il pense qu'elle va s'en aller, elle va faire l'exact opposé.
- Tes mains aiguisent mes sens lorsqu'elles viennent toucher mon corps. Peut-être que j'y prendrais goût à la longue.
Elle offre la même expression. Différents et semblables à la fois. Lui faisant dos à présent, Ambre s'éloigne quelque peu. Son regard survole la plage. Sans défense, du moins, c'est la vision qu'elle souhaite donner.
- C'est pourtant dommage que tu ne veuilles rien dire. Peut-être aurais-je aucune barrière qui pourrait m'empêcher de venir dans tes bras encore une fois.
Retour à la réalité, brise légère venant fouetter son visage. Cassure à peine visible, mais qui en un instant peut prendre une ampleur alarmante.
