Taverne de Bragan le fou, au dessus de la place. Huit heures du matin à vue de nez, peut être neuf. Complètement stupide cette expression d'ailleurs mais bon. Druss Tharael se réveillait . La bouche empâtée, une bonne migraine, les yeux qui refusaient de s'ouvrir : pas de toute, il s'était pris une bonne cuite la veille. Pas que ça l'étonnait non plus. Si la plupart des gens s'imaginent qu'être oracle signifie être un ascète, ils seraient bien déçus d'apprendre que celui-ci ne refuse jamais une bonne bouteille... ni ses sœurs lorsqu'elles suivent dans la soirée. Bref, toujours est-il qu'il s'était encore une fois mis minable juste avant de rencontrer les nobles de Zandor. Bon comme d'habitude en vrai.
Il repensait aux raisons de cette cuite pendant qu'il s'habillait. En vérité, elles étaient extrêmement simples : il détestait cette ville. Il détestait ce qu'elle représentait. Et surtout il détestait la frivolité de ses artistes d'habitants. Une belle connerie ça, surtout quand on voyait la misère dans laquelle vivaient ceux de la campagne. En plus, comme si ça ne suffisait pas, ils étaient hautains, prétentieux et imbus d'eux mêmes. Et plus ils étaient nobles, plus ils devenaient fidèles à ce portrait. Et, comme d'habitude, il allait devoir parler avec une des personnes les plus méprisables de la ville, le possesseur d'une des plus grosses galeries d'art de la ville (et accessoirement de la moitié des commerces d'art de la ville). Et tout ça pour le convaincre de financer en partie la milice de la ville en plus.
Le persuader du bien fondé de cet investissement n'allait pas être une partie de plaisir mais bon, il devrait y arriver. La nécessité était là en tout cas. Zandor s'était un peu trop relâchée au niveau de la sécurité à son goût, et le maire n'avait rien voulu entendre. Ce qui ne devrait pas être le cas de l'investisseur qu'il allait voir. Et au pire il pourrait toujours prétendre avoir eu une vision. Pas très moral bien sûr mais bon.... de un les visions des Ruchs étaient rarement claires et il se peut que la dernière avec le paon soit en rapport avec ça (le paon représentant la vanité et les yeux bandés l'aveuglement du à celle-ci) et de deux cela servirait au final un objectif du peuple. Donc pieux mensonge non?
Ce fut quand il descendit que Druss se rendit compte qu'il avait encore une fois déconné lors de sa joyeuse beuverie. Il n'en avait plus grand souvenir mais au vu des regards emplis de crainte et de respect qu'on lui jetait son anonymat était compromis. Maudite soit la boisson. Il faisait exprès de voyager anonymement pour éviter ça. Bon pour les regards craintifs passe encore. Le vrai problème, c'était les curieux, les fouineurs qui venaient lui demander de raconter sa vie, voire pire, de leur prédire quelque chose. Comme si il en était capable de toute façon.
Il déjeuna donc dans cette atmosphère pour le moins étrange. Les clients le regardaient à moitié, faisant semblant de s'intéresser à l'auberge . Les artistes oisifs de la ville n'avaient donc rien d'autre à faire? Bref en tout cas l'aubergiste devait se frotter les mains. Druss était toujours épaté de voir à quel point les nouvelles se répandaient vite en ville. A croire que les gens n'avaient rien d'autre à faire. Il se préparait à partir lorsqu'il sentit un regard plus fort dans son dos. Manifestement quelqu'un s'approchait. Il ne se retourna même pas, maugréant simplement dans sa barbe :
Qu'est ce qu'il y a? Fais vite je suis pressé.
Il ne savait même pas si son interlocuteur était un homme ou une femme, simplement qu'il s'agissait d'un contretemps qui allait le mettre en rogne. Comme si il en avait besoin. Il était déjà bien assez énervé contre lui même et sa manie de boire comme un trou.
